Grâce à l’aimable collaboration d’André Schaillié, originaire de Thieu, j’ai obtenu des documents écrits de Louis Dumont qui fut témoin de quelques faits de guerre en 1944. Vu la longueur et mon choix des textes, je vous livre une partie du vécu de ce Thiérois né le 19 janvier 1929.
La Société des Charbonnages de Strépy-Bracquegnies possédait un quai de chargement le long du canal du Centre à Thieu, le long du cul-de-sac près de la cimenterie. La population était autorisée à nettoyer les wagons « vides ». J’avais 15 ans et je revenais avec ma brouette et mon sac de charbon. Passant sur le pont de l’écluse et m’engageant dans la rue des Peupliers (disparue), je vis avec stupéfaction un parachute au-dessus de moi. Le para tomba de l’autre côté de la rue dans le potager du bureau et réfectoire de la cimenterie. Chance inouïe ! Un mètre à côté, c’était la chute le long de la pente tombant à pic vers
l’entrée de la carrière. Ayant oublié de serrer ses bottes, au choc de l’ouverture du parachute, il se retrouva en chaussettes sur la terre ferme. Joseph Paradis, chef électricien, qui occupait les lieux à cette époque lui donna une paire de vieilles savates. Un second para tomba de l’autre côté du chemin de fer entre les poteaux de haute tension. Un troisième tomba au chemin des Marlières près du calvaire Les cordes de son parachute s’étant entremêlées, il fit une mauvaise chute et resta allongé. La Croix Rouge le transporta. Poursuivant ma route, j’appris par l’intermédiaire de mon frère qu’un avion militaire avait été abattu sur la hauteur de la chapelle de Creuse. On retrouva le pilote mort dans les champs. ( Je suppose qu’il avait sauté trop tard ou que son parachute n’avait pas eu le temps de s’ouvrir. ) Nous nous rendîmes sur le lieu du crash. Nous revînmes avec des morceaux d’ailerons qui nous servirent, pendant des années, de cloisons pour notre trou au fumier.
A l’automne 44, dans un bruit assourdissant, je vis un monomoteur aux couleurs américaines décrire une large courbe à basse altitude au-dessus de Thieu. Etrange, bizarre, aucun aérodrome n’existait ici ! Un peu plus tard, la rumeur confirma qu’un avion avait atterri au lieu dit : « La Brûlotte ». Nous nous précipitâmes et nous vîmes un chasseur américain qui avait fait un atterrissage forcé sur le ventre. L’engin s’était arrêté contre le petit talus du Chemin de l’Empereur presque sur la chaussée de
Mons. C’était un P47 Thunderbolt, ancêtre du Thuderjet en usage plus tard dans notre force aérienne. Le pilote s’était précipité vers l’habitation la plus proche habitée par Raoul Bran, un papier à la main sur lequel était écrit en plusieurs langues « Pouvez-vous me cacher… ». Il n’en était plus question, il était en territoire libéré. Le pilote s’était complètement égaré. L’armée américaine mit deux sentinelles pour garder l’épave mais on oublia de les ravitailler. Le soir, je vis la maman de Jean Barbiot leur cuire une omelette.
Patrick Renaux