Le nouveau canal : plus que des grincements de dents
Les différents auteurs de la brochure “Le Roeulx” éditée par le Syndicat d’Initiative en 1980 voient l’avenir de Thieu bouleversé et s’interrogent sur le sort de ses habitants. Voici ce qu’ils en disent : “Le canal, dont on parle depuis près de 20 ans, dont les projets varient au gré des idées des responsables du moment, plonge notre population dans une incertitude constante et empoisonne notre vie familiale. Pour réaliser ce gigantesque travail, des expropriations en masse seront nécessaires. Pour l’heure, rien n’est encore décidé, mais cette menace pèse lourd sur le mode de vie de chaque habitant. Que deviendront les expropriés? Où seront-ils relogés? Pour les vieux propriétaires qui envisageaient de finir tranquillement leur vie dans la maison familiale, il s’agit d’une situation quasi mortelle, que de drames, que de larmes…”
Après l’effort, le réconfort
Au bout de ces longs travaux, on voit poindre le majestueux ascenseur de Thieu qui est une oeuvre d’art faisant partie du patrimoine industriel mondialement connu. Mais la construction de l’ascenseur funiculaire ne fut pas un long fleuve tranquille. De nombreux événements ont retardé les travaux. En 1980, le Ministère des Travaux publics privilégie la pente d’eau plutôt que l’ascenseur à bateaux. La résistance de l’ouvrage d’art aux sollicitations sismiques est également au coeur des études mais ne présente pas une condition déterminante jusqu’à ce que survienne le tremblement de terre de Liège, le 8 novembre 1983. Pour calculer les nouvelles valeurs, des études sont confiées à l’Université de Liège et à l’Université libre de Bruxelles. Leurs résultats seront connus au terme de 18 mois de recherches. Le financement est également une des causes de retards…
Des essais prometteurs
Le 17 juin 1997, l’un des bacs de l’ascenseur funiculaire s’élève pour la première fois depuis le début des travaux. Cette première
ascension qui a lieu dans la discrétion, loin des caméras et du public sera couronnée de succès. Le 6 novembre 2001 en matinée, un second mouvement de bac sera organisé. Cette démonstration est réalisée en présence du vice-président du Gouvernement wallon et Ministre de l’Equipement et des Transports, Michel Daerden, des resposables du MET et des représentants locaux. Après la fermeture des portes et la disjonction avec celle du bief, la péniche est hissée à une vitesse de 20 cm par seconde au niveau du bief amont, c’est-à-dire 73,15 m plus haut. Un spectacle impressionnant qui dure 6 minutes. Le franchissement complet de l’ascenseur funiculaire prend plus ou moins 40 minutes. Une bagatelle si l’on sait que la même opération pour franchir quatre ascenseurs hydrauliques, quatre ponts mobiles et une écluse sur le canal du Centre historique demande approximativement cinq heures de navigation.
Le jour de gloire pour l’ascenseur de Strépy-Thieu
Le 2 septembre 2002, une marée humaine s’est amassée au pied du géant, chacun voulant participer à l’événement tant attendu : l’ascension officielle de la première péniche ! L’embarcation de 80 m de long est amarrée depuis plusieurs jours avec à son bord un chargement de 1250 tonnes de ciment embarqué aux installations Holcim à Obourg à destination de la région anversoise. Après un discours inaugural, José Daras, Ministre wallon des Transports et de l’Energie, entouré de messieurs Willy Taminiaux, Bourgmestre de La Louvière, et Albert Tesain, Bourgmestre du Roeulx, coupe le ruban de la nouvelle voie d’eau à grand gabarit.
Aujourd’hui, les ascenseurs de Thieu sont visités chaque jour par des touristes qui apprécient des techniques diverses à des époques différentes : la force de l’eau d’un côté, et les cables et les contrepoids de l’autre. Ces deux façons de faire sont la preuve d’un savoir-faire exceptionnel. A voir ou à revoir !
Patrick Renaux
(Ouvrages consultés : Le Roeulx, Syndicat d’Initiative 1980 / Michel Maigre, Le canal du Centre à 1350 tonnes)